sábado, 7 de dezembro de 2013

Malandro é malandro e mané é mané (Bezerra da Silva)

Pochette du disque Eu não sou santo (“Je ne suis pas un Saint”), où Bezerra da Silva pose devant une favela habillé comme un malandro voyou, les armes ne faisant pas partie de la panoplie caractéristique de ce personnage carioca.
Dans mon texte précédent*, j’ai parlé du malandro, ce personnage qui incarne l’âme brésilienne et les contradictions qui la traversent. Mais comme j’ai dit, ce mot peut être tantôt positif, tantôt négatif, et son sens varie selon une multitude de facteurs : du contexte immédiat de communication à l’idéologie de celui qui parle. La chanson ci-dessous est une samba très connue dans laquelle Bezerra da Silva, lui-même un grand malandro, explique comment il conçoit la différence entre un malandro et un mané.
Malandro é malandro e mané é mané
Un malandro, c’est un malandro, un mané, c’est un mané
(Auteur : Bezerra da Silva)

E malandro é malandro, mané é mané
Un malandro, c’est un malandro, un mané, c’est un mané
Podes crer que é
Ça c’est sûr [littéralement, la phrase signifie “tu peux croire que c’est”]
Malandro é malandro e mané é Mané, diz aí!
Un malandro, c’est un malandro, un mané est un mané, dis-le!
Podes crer que é...
Ça c’est sûr

Malandro é o cara que sabe das coisas
Le malandro, c’est le type pas bête du tout [dans une traduction littérale, c’est quelqu’un “qui connaît les choses” – l’imprécision de cette expression va parfaitement bien à la façon de parler d’un vrai malandro]
Malandro é aquele que sabe o que quer
Le malandro est celui qui sait ce qu’il veut
Malandro é o cara que tá com dinheiro
Le malandro, c’est un type qui, ayant de l’argent,
E não se compara com um Zé Mané
Ne se compare pas à un Zé Mané [un “Zé Mané” étant un imbécile, une andouille, un con]
Malandro de fato é um cara maneiro
Le vrai malandro, c’est un type sympa
Que não se amarra em uma só mulher...
Qui ne le lie pas à une seule femme... [“se amarrar” signifie, littéralement, “se lier”, mais le verbe a d’autres acceptions : “s’engager dans une relation sérieuse” ou “bien aimer”, par exemple – et il n’est pas exclu que Bezerra da Silva ait joué sur la polysémie du mot]

Já o mané, ele tem sua meta
Quant au mané, il a son objectif [il est intéressant de remarquer que Bezerra da Silva a dit, plus haut, que le malandro “sait ce qu’il veut” ; le mané qui a “son objectif” ne se distinguerait donc pas de lui, et pourtant, l’auteur donne une connotation négative à la façon dont le mané poursuit ses objectifs, peut-être parce qu’il le fait sans la subtilité, l’élégance et l’hédonisme du malandro]
Não pode ver nada que ele cagueta
Il ne peut rien voir sans balancer les gens [Bezerra da Silva vivait dans une favela, fréquentait des hors-la-loi et n’avait aucune raison d’aimer la Police d’un État qui dálaissait les pauvres – on comprend bien pourquoi il n’aimait pas les mouchards]
Mané é um homem que moral não tem
Le mané, c’est un mec qui n’a pas le respect des autres [dans l’argot de Rio, “moral” signifie le fait d’être respecté par les autres – si on dit de quelqu’un qu’il est “sem moral”, c’est qu’il est méprisé par son entourage, pas forcément qu’il est immoral]
Vai pro samba, paquera e não ganha ninguém
Il va à la samba, il drague mais il ne tombe aucune fille [personne]
Está sempre duro, é um cara azarado
Il a jamais d’argent, c’est un type malchanceux
E também puxa o saco pra sobreviver
En plus, il lèche les bottes aux autres pour survivre [le mané, pour avoir ce qu’il veut, est prêt à devenir un flatteur des plus hypocrites ; le malandro, quant à lui, s’y prend dans la persuasion douce, sans se rabaisser]
Mané é um homem desconsiderado
Le mané, c’est un mec méprisé
E da vida ele tem muito que aprender...
Et il a beaucoup à apprendre de la vie...

Diogo Nogueira, sambista (chanteur / compositeur de samba) qui a su s'imposer comme l'un des grands noms de la nouvelle génération, a repris ce tube de Bezerra da Silva. Dans la vidéo, on voit des danseurs habillés comme des malandros classiques. La chorégraphie, signée Carlinhos de Jesus (personnage incontournable de la danse de salon au Brésil), illustre bien ce qu’on vient d’exposer.

Le serveur, qui se laisse piquer son chapeau à 0:11, incarne le mané ; à partir de 1:04, on comprend bien pourquoi, vu sa façon de danser avec une main baladeuse grossière et vulgaire, qui le fait prendre un rateau de la fille et être puni par les malandros. Ensuite, à partir de 2:20, on voit les bagarres qui, au début du XXème siècle, caractérisaient le Lapa (on voit même un malandro qui défie le chanteur avec un coupe-chou). Ce quartier bohème de Rio s’est affranchi de son ancienne image de zone de prostitution et criminalité et, depuis une bonne dizaine d’années, est un des endroits les plus fréquentés par les touristes et par la jeunesse carioca.

* Pour accéder à mon texte sur le malandro, cliquez ici.

Um comentário:

  1. Bonjour Sandro, merci beaucoup pour cette traduction. J'aime bien l'approche que vous avez avec l'utilisation des paroles de chansons. J'ai trouvé le blog Webmarketing International qui explique notamment les enjeux SEO dans les traductions du français au portugais brésilien. Très intéressant. A bientôt!

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